Confidence Livresque 06 : Nulle part, nul temps… ou presque !

La rédaction, en 2014, du roman Nous rêvions juste de liberté fut pour moi une expérience singulière, profondément émouvante. Semi-autobiographique, c’est sans doute le roman le plus personnel que j’aie jamais écrit. Pourtant, je ne voulais pas qu’il le soit trop – du moins pas au point de verser dans un certain nombrilisme germanopratin, si vous voyez ce que je veux dire… J’ai donc cherché à l’extraire de ma propre réalité, à le détacher d’un contexte précis, pour l’ancrer dans une époque volontairement floue et un lieu indéfini. Le thème central étant l’adolescence, ses rêves de liberté, ses joies et ses souffrances, mon souhait était que chaque lecteur puisse s’approprier le récit, imaginer qu’il se déroule à l’époque de sa propre adolescence, dans les grands espaces de notre inconscient collectif.

Sur le plan temporel, le pari semble avoir fonctionné : selon leur âge, les lecteurs situent l’action du livre dans les années 70, 80 ou même 90. Il n’y a en effet aucune référence historique explicite – j’y ai veillé –, si ce n’est deux détails, glissés volontairement. D’abord, un appareil photo Polaroïd est utilisé dans une scène marquante, ce qui date forcément le récit après 1972. Ensuite, les personnages assistent à un concert. Pour éviter toute anachronie, j’ai choisi le groupe Blue Öyster Cult, actif depuis 1967 et toujours sur scène aujourd’hui…

Mais pour ce qui est du lieu, j’ai observé – non sans amusement – que la grande majorité des lecteurs imagine spontanément que le roman se déroule aux États-Unis. Ce n’est pas tout à fait faux… ni tout à fait vrai : il se passe surtout dans votre imaginaire ! Cela dit, cette interprétation est assez logique : c’est bien aux USA que notre inconscient collectif situe naturellement les grands espaces de liberté que traversent les héros. Pourtant, si l’on y prête attention, tous les noms de villes cités dans le roman ont des sonorités françaises : Providence, Beaumont, Vernon, Carmel…

Ce faisant, je ne me suis pas interdit de puiser dans des lieux bien réels, et très personnels, souvent liés à mon adolescence. Allez, je vous en révèle trois !

Le lycée où Bohem débarque au début du roman, c’est celui où j’ai moi-même atterri, après avoir été renvoyé du mien, au même âge : il s’agit donc du lycée Saint-Michel de Picpus, dans le XIIe arrondissement de Paris. Si vous passez devant les anciens locaux, au 47 boulevard de Picpus, vous reconnaîtrez sans peine le kiosque à musique où Bohem et la bande à Freddy se retrouvent chaque matin – comme nous le faisions, mes amis et moi.

La ville de Providence, plus rurale que le Paris de mon enfance, s’inspire en partie de la petite commune où vivait ma grand-mère, et où je me rendais chaque mercredi : Coye-la-Forêt, dans l’Oise. Vous y retrouverez aisément son lavoir, ses bois, et même les étangs de Commelles… dont j’ai gardé le nom.

Enfin, le bar de José – lieu de perdition de mes vilains petits canards – est une reproduction fidèle du P’tit Picpus, un troquet aujourd’hui disparu, tenu par une famille d’Algériens inoubliables de gentillesse. C’est là que mes amis et moi passions le plus clair de notre temps, à deux pas du lycée…

Voilà. Ce livre reste, pour moi, celui qui me tient le plus à cœur. Il recèle encore des milliers de petits secrets, dont certains que je vous livrerai sans doute dans d’autres Confidences. Mais je suis surtout impatient de vous faire découvrir comment son univers sera transposé à l’écran, dans le film que je développe depuis six ans avec le réalisateur Julien Hosmalin. Le tournage devrait enfin débuter dans quelques mois… Patience !