
En 2015, l’un de mes amis a été envoyé faire un séjour forcé entre les quatre murs d’une vilaine cellule… Chez nous, la tradition veut qu’on prenne régulièrement le temps d’écrire à ceux qui sont privés de liberté, et c’est ainsi qu’a commencé une longue relation épistolaire avec ce gaillard si singulier. Paradoxalement, c’est dans ce contexte d’enfermement que, de lettre en lettre, de confidence en confidence, se sont tissés les liens les plus forts de notre amitié, laquelle est devenue aujourd’hui l’une des plus chères qui me soient. Comme, pour tromper son ennui, j’avais pris l’habitude de lui envoyer des livres – parfois en double exemplaire parce qu’il faut croire qu’une partie des employés en milieu carcéral a la fâcheuse habitude de se servir au passage – je lui ai évidemment fait parvenir “Nous rêvions juste de liberté” au moment de sa publication, un livre qui, naturellement, allait lui parler, non seulement parce que rêver de liberté, on ne le fait jamais aussi bien que quand on la perd, mais aussi parce que l’ami en question connaît fort bien la vie des motards sauvages… Le livre, je crois, a fait mouche.
Un an plus tard, quand enfin il est sorti du bazar, je suis allé le voir chez lui, dans son Grand-Est chéri, où nous avons passé une soirée formidable, faite de soulagement, de joie et d’espoir.
Soudain, je remarque une petite peinture sur un mur, qui attire mon regard. Qui m’hypnotise, presque. Je demande à mon ami d’où elle vient, et alors il m’apprend qu’il en est l’auteur, qu’il l’a peinte, justement, dans sa cellule ! Je tombe des nues, ignorant que mon ami peignait, et, pour tout dire, je suis bouleversé. Je lui dis que c’est dommage, parce que sa peinture aurait fait une couverture extraordinaire pour “Nous rêvions juste de liberté”… Et voilà que ce pirate au grand cœur se lève, décroche la peinture du mur, me la tend et me dit : “ Tiens, elle est à toi ”. Gêné, je commence par refuser, mais il insiste, et, soyons honnête, quand ce type insiste, on ne refuse pas trop longtemps !
Depuis ce jour, cette peinture trône sur mon bureau, elle est là, à côté de moi, et il n’est pas un seul livre que j’aie écrit sans que mes yeux s’y posent, y cherchant l’inspiration ou la motivation.
Dix ans plus tard, quand l’idée de “Pour ne rien regretter” m’est venue, comme je vous le racontais dans ma précédente Confidence, son intrigue s’est imposée à moi comme une évidence. Mais ce n’était pas la seule. Quand j’ai présenté l’histoire à mon éditeur, je lui ai dit que la couverture de ce livre existait déjà, qu’elle trônait sur mon bureau, et que rien au monde ne pourrait me rendre plus heureux que de le voir contacter mon ami Franco Minotti afin d’en acquérir les droits de reproduction. Vous connaissez la suite.
Mon ami, mon frère, sois ici remercié. Nous sommes deux électrons libres dont les routes, aussi différentes soient-elles, se croiseront à jamais.