Contrairement à ce que pourrait laisser penser le titre de ce court billet, ceci n’est pas une chronique de l’un des chefs-d’œuvre d’Emile Ajar, alias Romain Gary, mais le premier d’une série de billets sur ce blog (série entamée, à l’origine, sur Mastodon, mais où la limite de 500 caractères ne me permettait pas de dire assez de bêtises). Dans cette série, je vais vous raconter des petites anecdotes fort nombrilistes sur mon parcours d’écrivain, partager quelques souvenirs amusants ou émouvants, vous révéler quelques coulisses (plus ou moins avouables), bref, vous faire des confidences livresques…
En l’an 2000 (on aura quarante ans, si on ne vit pas maintenant, demain il sera trop tard… woops, pardon, ma Plamondomanie me reprend)… En l’an 2000, donc, quand j’ai terminé mon deuxième roman, La Louve et l’enfant, premier tome de La Moïra, j’avais initialement prévu de le faire sous pseudonyme.
La raison principale en était qu’à l’époque j’avais un petit historique en tant que critique littéraire, à la fois dans mon propre magazine (Science-Fiction Magazine), sur la radio TSF (qui n’était pas encore celle du jazz), et dans l’hebdomadaire L’Express. Je ne voulais pas que mes confrères sachent que c’était moi qui avait écrit ce roman, afin qu’ils puissent le lire sans apriori (fût-il positif ou négatif). La seconde raison était qu’il s’agissait d’un roman résolument féministe, une sorte de pied de nez à la littérature Fantasy classique : je voulais que, pour une fois, le sauveur de l’humanité ne soit pas un homme (Bilbo, Luke Skywalker, Jésus ou le roi Arthur…), mais une jeune femme, Aléa. Il y a 23 ans, je vous promets, c’était sinon novateur, au moins fort rare. Heureusement, de l’eau a coulé sous les ponts patriarcaux depuis lors, et s’il reste beaucoup à faire, la Fantasy féminine a au moins désormais un corpus tout à fait respectable.
Bref, poussant l’idée un peu plus loin, j’avais éprouvé l’envie d’utiliser non seulement un pseudo, mais un pseudo féminin ! Mon éditeur de l’époque (le livre devait paraître au départ aux éditions Mnémos), m’avait alors aidé à construire la biographie fictive de cette jeune écrivaine irlandaise que je devais incarner, sans que jamais quiconque puisse savoir que c’était un pseudonyme (haha, les cons…), et qui devait s’appeler… Shawna McCalion (ne riez pas, j’avais tout juste 28 ans). L’une de mes amies, à la splendide chevelure rousse, avait même posé pour la photo du dossier de presse, et nous avions créé une adresse e-mail pour que miss McCalion puisse répondre aux journalistes par courriel, la pauvre étant totalement injoignable par téléphone, isolée dans sa petite maison campagnarde, près de Typperary.
Finalement, après mûre réflexion — et après que le contrat est passé chez un autre éditeur (Bragelonne, maison que j’ai co-fondée et avec le patron de laquelle je me suis drôlement fâché par la suite, mais c’est une autre histoire…) — j’ai fini par me dire que l’idée était complètement ridicule, et qu’au contraire, écrire un roman féministe sous mon nom de mâle avait plus de sens, moi qui suis convaincu que ce combat doit être mené autant par les hommes que par les femmes. Et puis aussi parce que, finalement, j’avais envie d’assumer mon texte sous mon véritable nom. Car oui, Lœvenbruck, c’est mon véritable nom, mesdames et messieurs, c’est Lorrain, et ça veut dire Le pont des lions : je ne suis tout de même pas assez tordu pour inventer un pseudo que personne n’arrive à prononcer !
Ce qui est amusant, c’est que le premier enregistrement de l’ISBN s’étant fait chez Mnémos, avec le nom de Shawna McCalion, il en reste encore quelques traces ici et là, sur le web, comme, par exemple, sur le site de Cultura, où, 23 ans plus tard, La Louve et l’enfant de Shawna McCalion est annoncé comme « à paraître » (je vous déconseille de l’acheter, cela-dit, je pense que dans vingt-trois ans encore il ne sera toujours pas sorti)… Ah ! Ma pauvre Shawna, tu n’as pas eu le droit à l’oubli numérique ! Je pense souvent à toi, tu sais ?