Vous le savez sans doute, il y a plus de deux ans, j’ai pris la décision de quitter Twitter, Instagram et Facebook, pour des raisons dont je m’expliquais là.
Deux ans et demi plus tard, après de nombreux débats avec mes consœurs et confrères, voilà donc que je me résous à réactiver mon seul compte Facebook, non sans amertume, et je me dois sans doute de vous expliquer pourquoi (si vous en avez quelque chose à faire, bien sûr…).
D’abord, je tiens à dire que le réseau libre et open-source Mastodon reste mon média de prédilection, ma véritable maison, et que je continuerai de le défendre et de vous y espérer de plus en plus nombreux (vous êtes désormais plus de six mille à m’y suivre, dans une ambiance bien plus saine et plus bienveillante, avec des débats plus riches et plus éclairés…). Je reste convaincu que seule cette forme de réseau social, sans publicité ni détenteur privé, pourra nous sortir collectivement des travers propres aux réseaux sociaux propriétaires, des conflits politiques dans lesquels ils nous conduisent et du clivage de plus en plus grand qu’ils érigent entre les habitants de cette jolie planète, en favorisant leur opposition et leurs longues engueulades (source d’audience profitable aux seuls annonceurs…).
Mais voilà, il faut bien que je le reconnaisse : en dehors de quelques amis idéalistes (ou compatissants), la profession n’a pas vraiment suivi le mouvement, et je ne vous cache pas que je suis un peu fatigué de conduire seul ce combat… Si j’ai trouvé sur Mastodon une communauté extraordinaire, par nature plus proche de mes aspirations philosophiques, car libertaire, les écrivains, éditeurs et journalistes n’ont pas franchi le pas, pour la plupart, n’ont pas eu la patience d’attendre que la communauté se reforme ailleurs et sont resté sur lesdits réseaux propriétaires. Je le regrette profondément, car je pense que, eussions-nous tous joué le jeu, nous avions là le moyen d’agir collectivement pour la sauvegarde d’un tissu social bienveillant et de nous débarrasser de “ Goliath ” (comprenne qui pourra…), au moins dans notre grande famille de la culture. Certes, la folie ubuesque d’Elon Musk a fini par convaincre un plus grand nombre de quitter Twitter (il était temps), mais ce n’est pas allé beaucoup plus loin…
Résultat, depuis deux ans, mes liens avec la profession se sont lentement délités, mon contact avec l’actualité de mes collègues et avec l’ensemble des acteurs de l’édition s’est abîmé, et c’est donc pour ne pas disparaître totalement de ma communauté professionnelle que, la mort dans l’âme, je me résous à réactiver mon compte Facebook.
Vous le devinez, il y a un peu de tristesse et de fatalisme dans cette décision. Elle s’accompagne d’un constat désabusé plus large encore, qui me laisse penser que plus le monde avance, plus je m’en sens éloigné. J’ai le sentiment d’assister, impuissant, à une vague obscurantiste et liberticide que je suis fatigué de combattre. C’est peut-être le fruit de l’âge. Parfois, je me demande même s’il n’est pas dans la nature humaine, en vieillissant, de se sentir de moins en moins à sa place dans les évolutions de la société qui nous entoure, comme pour rendre la perspective de son départ moins pénible. “ Je veux mourir malheureux… pour ne rien regretter ” disait Balavoine, et certains auront sans doute repéré le clin d’œil que lui adressait le titre de mon dernier roman.
Alors voilà, je reviens sur Facebook, et vous pouvez m’y trouver là.
Et malgré tout, je continuerai le combat. J’espère que nous serons plus nombreux lors de la prochaine bataille.
Henri Lœvenbruck