Réussir son premier roman – III : Où trouve-t-on ses idées ?

OÙ TROUVEZ-VOUS VOS IDÉES ?

On trouve ses idées de roman dans le plus grand magasin qui soit : la vie.
On les trouve dans les événements que l’on vit, les choses que l’on lit, que l’on voit, les personnes que l’on rencontre, les bonheurs et les malheurs que l’on traverse… On les trouve dans ce que l’on connaît. « L’essentiel, pour tout écrivain, est d’écrire sur ce qu’il connaît », affirme Stephen King.
Des idées de romans, nous en rencontrons tous des centaines, tous les jours. La difficulté consiste à les reconnaître et à les saisir. D’où l’importance du carnet. Avoir le réflexe de noter ses idées, cela s’apprend, cela se travaille et, à terme, cela paye ! Un romancier, c’est avant tout quelqu’un qui sait regarder, qui sait écouter, et qui analyse tout ce dont il est le témoin.
L’idée de départ d’un roman peut être un simple personnage (fictif ou réel), un fait divers, une information, un élément de l’Histoire, une anecdote familière, un concept (et si ?)…

UNE SEULE IDÉE ??

Toutefois, personnellement, je ne crois pas qu’il suffise d’une seule idée pour concevoir un roman tout entier. Je crois que c’est de la confrontation de plusieurs de ces éléments que naît l’idée d’un roman. Si l’on part d’un seul et unique fait divers, par exemple, pourquoi écrire un roman plutôt qu’un document ? C’est bien parce que l’on veut ajouter quelque chose à ce fait divers que l’on penche pour la forme romanesque : une interprétation, une grille de lecture, un personnage…
Pour ma part (et je rappelle que mon cas ne fait pas école…), il y a souvent un peu de tout cela et, pour tout dire, ce n’est jamais vraiment de l’un de ces seuls éléments que naissent mes livres. Au tout début, il y a d’abord la volonté de traiter d’une question générale, oserais-je dire philosophique ? Dans La Moïra, je voulais traiter de la problématique du vivre ensemble ; c’est pour servir ce propos que j’ai choisi de raconter une histoire d’hommes et de loups. Dans Le Testament des siècles, je voulais traiter de la question de la solitude de l’homme au sens large (y compris dans son questionnement quant à l’existence ou non d’un principe divin…). Dans Les Cathédrales du vide, je voulais traiter de l’inanité – émouvante – de notre effort à vouloir donner un sens à nos vies, et le roman commence d’ailleurs par une citation de Cioran : « Tout le secret de la vie se réduit à ceci : elle n’a aucun sens, chacun de nous, pourtant, lui en trouve ». Dans L’Apothicaire, je voulais traiter de la quête de l’Autre, et dans Nous rêvions juste de Liberté, je voulais poser la question de la possibilité d’être libre parmi le nombre. Dans J’irai tuer pour vous, je me posais la question des limites de la Raison d’état, et celle de l’éthique complexe d’un assassin de la République… Une fois cette question générale trouvée (question que je veux donc poser à moi-même et au lecteur), je cherche une histoire qui va pouvoir illustrer au mieux cette problématique. Une sorte de parabole, en somme…
Il m’arrive alors, presque toujours, de trouver non pas un mais deux ou trois sujets qui peuvent facilement être liés (des faits historiques, des découvertes scientifiques, des faits divers, etc…) et qui, ensemble, vont pouvoir illustrer l’idée générale du roman. Et c’est seulement quand j’ai tous ces éléments que je peux commencer à construire mon synopsis (sujet sur lequel nous reviendrons plus tard).
« Le mot ne manque jamais quand on possède l’idée », disait Gustave Flaubert. Êtes-vous capable de résumer l’idée de votre roman en une ou deux phrases, de le « pitcher », comme on dit dans le milieu du cinéma ? Si ce n’est pas le cas, il y a de fortes chances que vous n’ayez pas vous-même une idée assez précise de ce que vous voulez faire…

PATIENCE ET LONGUEUR DE TEMPS

L’idée d’un roman, toutefois, ne vient que très rarement d’un seul coup. Elle est, la plupart du temps, la somme de plusieurs pensées, qui vous sont venues à divers moments de votre vie, de plusieurs envies qui, soudain, s’assemblent et donnent naissance à cette drôle d’entité.
Pour ma part, mes « idées » de romans me viennent en un temps assez long. Le chemin qui m’amène à l’idée finale dure entre un et deux ans. Presque toujours, l’idée de mon prochain roman s’échafaude, au plus tard, lors de la rédaction du précédent. Parfois bien avant. Il peut se passer dix ans avant qu’une « vieille » idée de roman ne se concrétise enfin…
Beaucoup d’écrivains connaissent cette impression étrange de l’idée subite, comme miraculeuse, qui survient parfois après une longue période de sécheresse. Un matin, on se réveille, et on a l’impression que le roman est là, devant nous, entier, évident, et que tout ce qui nous empêchait de dégager labonne idée s’est prodigieusement résolu dans la nuit. Ce n’est évidemment qu’une impression. En réalité, la chose relève de la neuroscience : notre cerveau, pendant ladite période de stérilité, travaille « en tâche de fond ». Les idées se regroupent dans notre subconscient, sur une longue période, et soudain, on les reconnaît.

BRAINSTORMING !

Une fois l’idée originale trouvée, elle se travaille. Il y a bien des manières de faire mûrir une « idée de départ », mais toutes reposent sur le principe suivant : la contradiction est le moteur de la réflexion. En somme, il faut attaquer son idée comme on prend d’assaut une forteresse, chercher ses faiblesses, la pénétrer, puis la fortifier, l’approfondir, la fouiller, la pousser aussi loin que possible, quitte à revenir en arrière. Souvent, pour ce faire, il est utile de soumettre cette idée à quelqu’un d’autre. À un ami, un conjoint, un autre écrivain, ou, quand on a la chance d’en avoir déjà un, à son éditeur. Les remarques ou objections qu’untel pourra formuler vous obligeront à consolider cette idée de départ jusqu’à ce que vous ayez le sentiment qu’elle est devenue mature.
Pour ma part, j’ai remarqué que je ne travaillais jamais aussi bien sur mes idées de romans que quand j’étais au volant. Pour des raisons de sécurité routière, j’hésite à donner ce conseil, mais il n’empêche que, en conduisant, mon esprit atteint cet état particulier de vagabondage, finalement assez proche de l’hypnose, qui permet de se concentrer paisiblement sur son idée, de chercher librement l’inspiration, de tester telle ou telle solution, etc…
Au final, vous ne vous lancerez dans l’écriture que quand vous serez pleinement satisfait de votre idée de départ. Croyez-vous en votre idée ? En sa puissance ? Êtes-vous prêt à la défendre ? Car la route va être longue : autant choisir savamment votre compagnon ! Si, avant même de commencer, vous ne croyez pas totalement en votre livre, c’est que vous n’êtes pas encore prêt à l’écrire. Attention ! Il ne s’agit pas de se laisser décourager par le regard d’autrui. Il s’agit d’être sûr de vous, de ce que vous avez à dire, quoi que les autres puissent en penser.

Réussir son premier roman – IV : L’imagination

JE N’AI PAS D’IMAGINATION !

Je dis souvent que l’imagination est le talent inné le plus universellement et le plus équitablement partagé. Tout le monde en a ! Parfois, certains lecteurs me disent, d’un air désolé : « Oh, vous savez, moi, je n’ai aucune imagination ! »… C’est une parfaite aberration ! Nous avons tous de l’imagination ! L’imagination est partout, nos rêves en débordent, notre vie en déborde ! La difficulté consiste à savoir la reconnaître, l’apprécier, l’ordonner et la transformer.
Ainsi, par exemple, tout le monde rêve, mais tout le monde ne sait pas forcément comment transformer un rêve en roman… Il convient donc de distinguer l’imagination de la créativité. Cette dernière, essentielle à l’auteur, n’est pas forcément innée, mais elle peut se travailler. Elle permet de piocher dans la richesse un peu folle de l’imagination pour en extraire quelque chose de nouveau, de novateur, de potentiellement étonnant.

TRAVAILLER SA CRÉATIVITÉ

La première règle consiste à ne pas se brider, à se laisser aller. Une idée vous semble folle ? Ce n’est pas grave, allez jusqu’au bout, vous ferez le tri plus tard et, en chemin, vous allez peut-être trouver quelque chose d’extraordinaire !
Un petit exercice pour travailler votre créativité : regardez le début d’un film ou d’un épisode de série, puis faites une pause au milieu, et imaginez toutes les fins possibles. Essayez de les classer par ordre de préférence. Au bout d’un moment, vous finirez peut-être par vous surprendre en découvrant régulièrement à l’avance la fin du film : l’histoire que vous allez voir, vous auriez presque pu l’écrire vous même !
Travailler sa créativité, c’est se livrer, en quelque sorte, à la technique du brainstorming en solitaire : pour récolter un maximum d’idées originales, il faut écarter dans un premier temps l’autocensure, se laisser aller, puis rebondir d’idée en idée tout en prenant des notes. Certains trouveront que la marche, même circulaire, favorise le processus créatif. Il n’est pas rare de me voir tourner en rond un peu sottement chez moi, un stylo à la main et l’air complètement hagard… Aristote et ses disciples n’étaient-ils pas appelés les « péripatéticiens » parce que marcher en rond autour du lycée d’Athènes les aidait à réfléchir ?
Pendant cet exercice, en supposant que vous partiez, par exemple, d’un personnage, imaginez tout ce qui peut lui arriver, quelles pourraient être ses réactions, leurs conséquences, multipliez les possibilités… Au final, la meilleure solution s’imposera à vous.
Travailler sa créativité, c’est accepter de dialoguer avec soi-même, s’imaginer qu’on est deux, jouer au jeu des questions-réponses dans sa propre tête ! N’ayez pas peur de passer pour un schizophrène, personne ne vous regarde ! Retrouvez cette mécanique que nous avions tous, enfant, quand nous devions jouer tout seul dans notre chambre et que nous nous inventions des dialogues entre des personnages imaginaires !

Réussir son premier roman – V : Les bons outils

L’ENVIRONNEMENT

Pour écrire, et surtout pour écrire bien, il conviendra d’abord de trouver les conditions idéales, l’environnement favorable. Comme je le disais en introduction, écrire est un travail, un vrai, et on ne travaille pas dans n’importe quelles conditions.
Encore une fois, chaque auteur a besoin de son propre environnement de travail, son petit univers à lui. Certains aiment écrire dans les cafés, au milieu des gens et du bruit. Certains écrivent en musique. D’autres cherchent le silence absolu, l’isolement.
En toute logique, je vous conseillerais de trouver avant tout un lieu où vous vous sentez bien et de fuir, si possible, toutes les distractions potentielles (votre téléphone, votre diabolique connexion aux réseaux sociaux, vos enfants turbulents, votre vilaine télévision…), car la plupart des différents stades de l’écriture exige une grande concentration. Si la musique aide à vous concentrer, écoutez-en ! Si, paradoxalement, vous immerger au milieu des gens facilite votre attention, trouvez-vous un chouette petit bistrot et calez-vous derrière une table. Si vous préférez écrire au calme, aménagez votre bureau à votre goût !
L’essentiel, c’est de vous sentir bien, et d’en prendre la peine : ménager son espace de travail, c’est déjà affirmer qu’on y croit !

LE CARNET EST TON AMI

Si écrire est un travail, un artisanat, alors l’adage selon lequel un bon ouvrier a toujours de bons outils s’applique ici aussi… Voici une liste non exhaustive des outils que je vous recommande, tout au long du processus de création.
En premier lieu, le carnet. La plupart des auteurs – même s’ils écrivent ensuite sur un ordinateur – en utilisent, et en ont un sur eux le plus souvent possible. Pratique, il se glisse dans la poche, on écrit dessus à la main, ce qui permet, dans la phase de conception, de rayer, d’entourer, de relier d’un trait tel et tel élément, de faire des schémas, de jeter rapidement des idées quand elles vous tombent dessus au beau milieu d’une rue, pendant un repas… Dans la phase de documentation, on s’en servira aussi pour prendre des notes sur les ouvrages que l’on compulse en bibliothèque, ou sur les confessions d’une personne que l’on interroge…

LE DICTAPHONE AUSSI

Aujourd’hui, la plupart des téléphones portables en intègre un, bref, vous en cachez presque tous dans votre poche, tout le temps ! Le dictaphone s’avérera fort pratique lors de vos éventuels repérages : quand vous visiterez un endroit, que vous marcherez dans les ruelles d’un joli village, plutôt que de prendre des notes fastidieuses, vous enregistrerez vos impressions sur les lieux que vous visiterez, vous noterez les couleurs, les odeurs, l’atmosphère, toutes ces choses qui vous seront utiles plus tard lors de vos descriptions. Enfin, le dictaphone s’avérera salvateur pendant la phase de documentation, quand vous irez interviewer tel ou tel spécialiste qui vous livrera son précieux savoir.

LE TRAITEMENT DE TEXTE

Si quelques rares auteurs privilégient encore l’écriture à la main ou à la machine à écrire, il est indéniable que le traitement de texte offre de nombreux avantages. La fonction « chercher », par exemple, est une véritable aubaine quand vous ne vous souvenez plus où apparaît tel ou tel personnage pour la première fois et comment vous l’avez décrit ; la fonction « chercher/remplacer » est miraculeuse quand, soudain, vous décidez de changer le nom de votre héros au bout de trois cents pages ; la correction d’orthographe automatique vous permet aussi de gagner du temps lors de votre relecture… En outre, très peu d’éditeurs (voire aucun) accepteront de lire un manuscrit au sens propre du terme, tous exigeront un « tapuscrit » soigneusement mis en forme (nous reviendrons plus tard sur la mise en forme). Le vilain résistant anti-GAFAM ne résiste toutefois pas à l’envie de vous inciter à utiliser un traitement de texte en open-source, tout aussi efficace et bien moins intrusif, tel que celui d’OpenOffice ou de LibreOffice

LA SAUVEGARDE

Je ne saurais jamais assez insister sur ce point ! Presque tous les écrivains contemporains (dont votre serviteur) ont connu l’enfer du vol d’ordinateur ou du plantage de disque dur, des centaines de pages perdues à tout jamais dans le méandre des clusters défectueux ! Pour ma part, en 1999, j’ai perdu 400 pages d’un livre, c’était il y a vingt ans et je m’en souviens encore !! Il existe plusieurs solutions pour se protéger de ce drame cruel : sauvegarder quotidiennement votre travail sur des supports externes (clés USB, disques durs, etc…) ou utiliser des applications dédiées comme Mobile Me ou DropBox, lequel recueille ma préférence personnelle. Ces services de stockage et de partage en ligne dits « en nuage » présentent de nombreux avantage : ils assurent la sauvegarde instantanée de votre travail, conservent la trace de vos modifications, permettent même de travailler à plusieurs sur un même fichier et vous évitent de devoir emporter votre ordinateur partout avec vous. Où que vous soyez, sur quelque ordinateur que vous soyez, pour peu qu’il ait une connexion internet, vous pouvez retrouver votre fichier en ligne ! Toute modification que vous y apporterez sera instantanément reportée sur tous vos supports connectés. Un vrai miracle ! Je n’ai, malheureusement, aucune action chez DropBox inc., mais je peux le dire : depuis que je l’utilise, cette application a changé ma vie d’écrivain.

Réussir son premier roman – VI : Les exercices

LES ATELIERS D’ÉCRITURE

Avant de vous lancer dans votre grand projet, il existe de bonnes solutions pour faire vos premiers pas, pour vous faire la main…
D’abord, il y a les ateliers d’écriture. Tapez ce mot clef sur un moteur de recherche internet et vous trouverez alors sans peine une foule de propositions. Certains ateliers, organisés par des professionnels, sont payants, mais il conviendra alors de bien se renseigner à leur sujet, car, à l’instar de la microédition, nombreux sont les charlatans dans ce domaine, prêts à soutirer de l’argent aux jeunes auteurs en détresse. Il existe toutefois des ateliers d’écriture payants tout à fait sérieux et de bonne qualité, comme ceux d’Elisabeth Bing (l’un des plus anciens en France) ou d’Aleph Ecriture. Il vous en coûtera tout de même quelque mille euros l’année. Voici une liste des principaux ateliers d’écriture disponibles en France.
Si vous n’êtes pas prêts à débourser cette somme, vous pouvez vous tourner sans hésiter vers les ateliers qui vous sont gracieusement proposés par les bibliothèques municipales, par certaines librairies ou certaines associations à but non lucratif… Certes, vous n’aurez pas le même suivi ni le même approfondissement que dans les ateliers professionnels précités, mais vous y ferez vos premières armes, y trouverez vos premiers lecteurs, vos premières critiques, vos premiers encouragements, et vous vous inscrirez déjà dans un rythme qui vous imposera la régularité nécessaire à toute création littéraire. Écrire, c’est d’abord y croire. Entamer une démarche concrète comme une inscription à un atelier d’écriture, c’est déjà un bon moyen de se forcer à y croire…

LES NOUVELLES

Avant de vous lancer dans un roman, celle-ci peut s’avérer un excellent exercice, avec un investissement moindre. Elle vous permettra de ne pas vous décourager face à une tâche trop lourde et de connaître le plaisir d’achever, en relativement peu de temps, un projet littéraire.
Attention ! Je ne dis pas qu’écrire une nouvelle est plus facile qu’écrire un roman, loin de là ! C’est même pour certains auteurs un exercice plus ardu, car lorsqu’on a peu de pages pour développer son histoire, pour installer son intrigue et ses personnages, il faut compenser par une idée forte, un effet de style ou une chute surprenante. Pour débuter, c’est néanmoins un exercice un peu moins effrayant. C’est, en outre, un excellent moyen d’apprendre la concision ; l’un des principaux défauts des jeunes auteurs est de se perdre dans leur récit, d’oublier d’aller à l’essentiel.
Enfin, les nouvelles offrent bien plus de débouchés que les romans : de nombreux projets amateurs ou semi-professionnels vous permettront de publier plus facilement votre travail. Beaucoup de romanciers – c’est mon cas – ont commencé à se faire remarquer par les éditeurs en publiant des nouvelles dans des fanzines, des petites revues, etc…

Réussir son premier roman – VII : Le Synopsis

SE PRÉPARER…

Ça y est, vous avez votre idée ! Une bonne idée ! Quelque chose de novateur, quelque chose d’étonnant, quelque chose de touchant. En somme, une idée qui mérite que vous passiez des mois à travailler dessus pour l’offrir aux lecteurs.
La seconde étape sera alors de concevoir, sommairement, le déroulé de votre histoire. Attention, encore une fois, il s’agit ici de ma méthode de travail personnelle (je ne vais pas rappeler ceci tout au long de ces articles, mais il est important que vous compreniez qu’il n’y a aucun dogme, seulement une manière de faire parmi des milliers d’autres…). Certains auteurs se lancent directement dans la rédaction de leur livre sans passer par les différentes étapes préparatoires que je vais vous présenter ici, et c’est tout à fait légitime. Je pense toutefois – surtout pour des premiers romans – qu’une préparation solide en amont vous permettra de gagner du temps, de prendre de l’assurance et d’être plus efficace. Un pilote de course ne fait jamais son meilleur temps au premier tour de circuit. S’il connaît le trajet à l’avance, il sera plus efficace, anticipera les difficultés et mettra toutes les chances de son côté pour faire un joli record…

LE SYNOPSIS, C’EST QUOI ?

Le synopsis, c’est le résumé de votre roman. Il devrait faire entre une et quatre pages en moyenne. À ce stade, je préfère d’ailleurs parler de pré-synopsis car, pour être exact, le véritable synopsis de votre roman ne pourra être rédigé qu’une fois celui-ci totalement achevé. Ici, il s’agit donc d’imaginer à l’avance ce que le synopsis de votre roman sera au final.
Tout doit y être : le début, le milieu, la fin. N’ayez pas peur, rien n’est gravé dans le marbre ! Vous allez pouvoir modifier votre pré-synopsis aussi souvent que vous le voudrez, et cela vous arrivera sans doute, tout au long des différentes étapes de la création, peut-être même jusqu’à la dernière minute. Mais le rédiger en amont est déjà un bon moyen de voir le trajet que vous allez devoir faire suivre à vos personnages, les sujets que vous allez aborder, les lieux que vous allez décrire, et donc ceux sur lesquels vous allez devoir vous documenter…
Votre synopsis doit répondre à six questions aussi simples qu’essentielles : Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Pourquoi ? Comment ? Il doit mettre en évidence la structure globale de votre roman (quand commence-t-il, où s’arrête-t-il, bref, ce qu’on appelle « l’arc narratif »), donner une idée des personnages principaux et de leurs traits de caractère et, surtout, il doit déjà comprendre les grands mouvements du récit : intrigue, rebondissements, résolution. En somme, il s’agit d’un résumé assez précis de votre futur livre, comme si vous deviez le raconter à quelqu’un qui n’aurait pas le temps de le lire, mais qui aurait besoin de tout savoir à son sujet. Tout, y compris la fin.

CONNAISSEZ VOTRE FIN !

J’insiste bien sur ce point : connaître la fin de son livre est, selon moi, capital. À mon sens, on ne devrait pas commencer à rédiger un roman tant qu’on ne lui a pas trouvé une fin satisfaisante, car celle-ci aura un impact capital sur la construction de votre histoire. Un roman, c’est un voyage d’un point A vers un point B. Pour aller de l’un à l’autre, il y a déjà mille chemins possibles, parmi lesquels vous allez devoir choisir celui qui vous semble le meilleur. Mais si vous ne connaissez même pas le point B, comment choisir la route ? La fin du roman c’est, à l’évidence, la dernière chose que les lecteurs liront ! Elle est donc de la plus haute importance, et il n’y a rien de pire qu’un roman qui s’annonçait excellent et dont la fin est décevante. Il n’y a pas de pire bouche-à-oreille que : « C’est pas mal, mais la fin est ratée »… C’est souvent l’une des choses les plus difficiles dans la conception d’une histoire : trouver une chute qui saura à la fois surprendre votre lecteur et satisfaire ses attentes. Pour caricaturer un peu, je dirais même qu’une bonne idée de roman, c’est avant tout une bonne idée de chute.
À ce stade, vous devez donc travailler sur l’arc narratif principal, mais aussi sur celui des personnages principaux : quelle est l’intrigue générale que le roman doit boucler, mais aussi, quels sont les défis internes que chacun des personnages principaux doit relever ? Dans votre roman, il sera préférable que vos personnages évoluent, qu’ils se transforment (en bien ou en mal, d’ailleurs…).
Vous allez aussi devoir déterminer quels seront le ou les points de vue narratifs. Votre narration se focalisera-t-elle sur le point de vue d’un seul personnage ? De plusieurs personnages ? Sera-t-il raconté à la première personne, ou bien par un narrateur ? Et dans ce cas, s’agira-t-il d’un narrateur omniscient, qui sait tout de tous les personnages, ou bien d’un narrateur ayant lui-même un point de vue personnel sur l’histoire ?

FAITES-VOUS PLAISIR…

Contrairement au synopsis d’un film, le pré-synopsis de votre roman est un document personnel. C’est à vous qu’il va servir, et à personne d’autre. Ce n’est pas un document qui va vous permettre de démarcher des producteurs, comme c’est le cas pour l’audiovisuel. Il est très rare – à ma connaissance cela n’arrive même jamais – de convaincre un éditeur avec un simple synopsis pour son premier roman. Si vous êtes un jeune auteur non publié, tous les éditeurs vous demanderont le roman achevé avant de vous faire une éventuelle offre. Le but de ce pré-synopsis sera donc de vous aider à faire le point sur votre roman, avant de travailler dessus plus en profondeur. Il va vous permettre de passer aux étapes de préparations suivantes. Mais il n’a pas besoin d’être mis en forme pour autrui. C’est votre tambouille interne ! Aussi, il y a des choses à éviter, à ce stade. N’entrez pas trop dans les détails ! Par exemple, tous les personnages de votre roman n’ont pas besoin de figurer dans votre pré-synopsis, seulement les principaux ! Pour l’instant, faites-vous plaisir, racontez votre roman en quelques pages, voyez s’il tient la route, et repérez ses faiblesses, tout comme les choses que vous allez devoir travailler dans la phase suivante…

Réussir son premier roman – VIII : La Bible et le plan

LA DOCUMENTATION

Une fois la première version de votre synopsis achevée, je vous conseille fortement de rédiger une « bible ». Pour ce faire, la documentation est quasiment indispensable. Elle peut-être minimaliste et inconsciente (ne passe-t-on pas sa vie à se documenter sur soi-même et autrui ?), ou elle peut être acharnée (c’est souvent le cas dans la littérature de genre). Mes romans L’Apothicaire, Le Mystère Fulcanelli ou J’irai tuer pour vous m’ont, par exemple, demandé des années de recherche !
Dans le cas où elle est acharnée, elle peut s’avérer à la fois salvatrice et dévastatrice. Un roman où le lecteur sent trop la documentation à travers le texte est souvent indigeste (une mauvaise utilisation de Wikipedia, par exemple, peut devenir catastrophique). La plupart d’entre nous est passée par là dans ses premiers romans : on a passé tant de temps à se documenter qu’on se croit obligé de tout mettre dans le récit, ce qui donne souvent de longs et lourds passages didactiques des plus désagréables… Il est primordial de ne garder que l’essentiel, de ne pas perdre de vue son récit, et de prendre le temps de digérer toutes les informations que l’on a réunies pour les intégrer le plus naturellement possible à son histoire, sans l’alourdir.
L’objet d’une bonne documentation est double : inscrire le récit dans un contexte crédible, riche, profond, mais aussi, éventuellement, offrir au lecteur le plaisir de découvrir un univers ou un sujet qu’il ne connaît pas forcément. Voltaire disait : «  Il faut savoir s’instruire dans la gaieté. Le savoir triste est un savoir mort. L’intelligence est joie. », et cette phrase à elle seule pourrait résumer ce que doit être un bon roman : un texte dont le lecteur peut tirer quelque enseignement (fût-il philosophique, historique, scientifique…) tout en se divertissant.
Le but de la documentation n’est pas d’écrire un essai, mais de donner du corps à son récit. Parfois, il suffit d’un petit rien pour donner ce niveau de crédibilité essentiel à son histoire. Mais souvent, l’auteur n’obtient ce petit rien qu’après s’être beaucoup documenté. C’est à lui, et non pas au lecteur, de trier le bon grain de l’ivraie.
Il suffit parfois d’être très précis sur un ou deux petits détails pour que le lecteur ait le sentiment que l’auteur sait de quoi il parle, sentiment suffisant (et essentiel) pour être plongé dans un univers réaliste.

LES BONNES SOURCES

Personnellement, pour mon travail de documentation, je privilégie toujours deux sources : les bibliothèques et les spécialistes, et je me méfie beaucoup de Wikipedia ou des sites personnels… Certains peuvent être excellents, mais beaucoup sont truffés d’erreur, et Wikipedia en tête (anecdote : pendant des mois, ma fiche Wikipedia indiquait que j’étais autrichien ! Euh… Ah bon ???).
Les bibliothèques ont le double avantage d’être, par définition, très fournies en documentation et d’offrir un cadre de travail très agréable pour l’écrivain. C’est souvent un havre de paix, où l’on n’est pas dérangé par le téléphone, par le bruit, par les siens, et où les tentations (pires ennemis de l’auteur) sont absentes : pas de télévision, pas de console de jeux, pas de copain qui passe boire un verre, etc…
Interviewer des spécialistes (avocat, historien, flic, médecin…) représente un avantage non négligeable : comme on choisit ses questions, on va directement à l’essentiel. Plutôt que de devoir lire trois livres sur un sujet pour en tirer la substantifique moelle, on obtient directement ce que l’on cherche. C’est souvent un gain de temps remarquable, et il n’est pas rare même de trouver de nouvelles idées au cours de ces échanges. Vous serez étonnés de découvrir combien les gens sont prêts à faire partager leur savoir, et il est bien plus facile qu’on le croit d’obtenir des entrevues avec des spécialistes, à condition bien sûr de ne pas arriver les mains dans les poches, et d’avoir préparé son entretien.
Internet est, on s’en doute, un outil à la fois merveilleux et diabolique. L’attitude de l’écrivain face à l’information qu’il peut trouver sur le net doit être celle du journaliste : il faut multiplier les sources, les confronter, car on y trouve le pire et le meilleur. Il y a toutefois un véritable bijou sur Internet : Gallica, le site de la BNF, ainsi que d’autres sites comme Google books, Le Projet Gutenberg, ou Persée, où l’on peut trouver de nombreux ouvrages numérisés qui, en plus de vous éviter de vous déplacer jusqu’à une ou plusieurs bibliothèques, permettent souvent d’utiliser des fonctions de recherche intégrées.
Très souvent, la documentation ne sert pas seulement à enrichir le corps du récit, mais aussi à vous amener vers de nouvelles idées. En effet, comme, à l’évidence, elle a lieu avant la rédaction de votre roman, il n’est pas rare que, en vous documentant, vous tombiez sur une idée nouvelle, qui vient modifier votre premier synopsis. Il est préférable, d’ailleurs, que cette modification ait lieu maintenant, avant la rédaction, plutôt qu’après…

REDIGER SA BIBLE

La bible est, pour moi, un document complémentaire au synopsis ; il est celui dans lequel je résume tout ce que ma documentation m’a apporté et qui va me servir dans mon roman, et dans lequel je développe la toile de fond, l’univers de mon histoire. C’est un document vers lequel vous allez pouvoir revenir régulièrement au cours de votre écriture, une sorte de pense-bête géant, que vous pouvez même enrichir au fur et à mesure de la rédaction de votre livre.
Certaines de mes bibles sont des documents assez courts, d’autres font plusieurs dizaines de pages, surtout quand elles servent à plusieurs tomes d’une même série. En général, j’y développe les trois points suivants :

Les personnages principaux : pour chacun d’entre eux, je m’applique toujours à les « connaître » avant de les décrire. À l’évidence, il est important d’avoir une idée précise de l’apparence physique de vos personnages, mais cela ne suffit pas. Il m’arrive de « savoir » sur mes personnages des choses dont je ne parlerai même pas dans le roman. Qui étaient leurs parents ? Où sont-ils nés ? Qu’aiment-ils ? Quelles sont leurs blessures ? Pour qu’un personnage ait de l’épaisseur, il faut que vous lui en ayez donné au moment de sa conception. Pour qu’il soit « humain », il faut qu’il soit aussi complexe que l’est une personne authentique.
La rubrique des personnages principaux doit aussi prévoir l’arc narratif que va suivre le personnage au cours du roman : les conflits internes ou externes qu’il va devoir affronter, ses défis, et leur résolution. Il est intéressant de réfléchir, à l’avance, à ce qui va transformer votre personnage, quelle va être son initiation…
Pour moi, ce qui fait la force d’un livre, ce n’est ni son genre, ni son contexte. Ce sont les personnages. Plus ils sont profonds, crédibles, vivants, plus votre roman – à mon avis encore une fois – sera fort. Il ne faut pas hésiter à fouiller le passé de vos personnages, à savoir ce qui va motiver leurs choix. N’hésitez pas à vous inspirer de gens que vous connaissez…

Le contexte historique : votre roman n’a pas besoin d’être situé dans le passé ou le futur pour que vous ayez besoin de réfléchir à son contexte historique, et il peut être important de développer une chronologie dans votre bible. À l’évidence, cela devient capital quand vous écrivez un roman historique, fût-ce dans un passé proche ou lointain. Quels sont les événements historiques (réels, ou même imaginaire) auxquels votre personnage est confronté ? Selon l’impact de ceux-ci sur votre roman, vous pourrez être amené à étudier ceux-ci en profondeur, et garder dans votre bible une trace de ce que vous avez trouvé en vous documentant est souvent capital.

Les lieux et l’univers : à titre personnel, j’essaie chaque fois que possible d’aller visiter les principaux lieux que je vais décrire dans mes livres, et je prends de nombreuses notes lors de ces visites de reconnaissance. Quand la chose n’est pas possible, je me documente. N’oubliez pas que vos personnages vont avoir besoin de s’incarner dans un espace crédible, réaliste. N’oubliez pas non plus que, parfois, les lieux eux-mêmes deviennent des personnages ! Mieux vous aurez préparé leur description, plus vous leur donnerez de caractère ! Il n’est pas rare que je passes des jours à me documenter sur un lieu avant de le décrire, comme la bibliothèque Sainte-Catherine du Sinaï dans L’Apothicaire, ou le Beyrouth des années 1980 dans J’irai tuer pour vous. Dans ma bible, je prends des notes précises sur leur architecture, leur état au moment de mon récit, les couleurs, les odeurs, les sons… Plus vous en saurez sur les lieux que vous décrivez, plus vos lecteurs s’y sentiront plongés !
N’oubliez pas que la chose s’applique aussi pour des romans fantastiques, de science-fiction ou de Fantasy ! Ce n’est pas parce que c’est vous qui inventez les lieux que vous ne devez pas les connaître à l’avance ! Le travail est alors un peu différent, ce n’est plus de la documentation, mais de la création. Il n’en reste pas moins que mes bibles pour La Moïra ou Gallica étaient au moins aussi épaisses que celles de mes romans historique

LE PLAN DÉTAILLÉ

Une fois mon pré-synopsis et ma bible terminés (encore que la bible est souvent un document en perpétuelle mutation), je m’attaque au plan détaillé de mon roman. Encore une fois, beaucoup d’auteurs sautent cette étape, et ne font pas pour autant des livres moins bons ! C’est un choix personnel, qui me permet de savoir précisément où je vais, et donc de me concentrer davantage sur le style au moment de la rédaction. Il n’empêche que, pour un premier roman, je ne saurais trop vous conseiller de passer par cette étape, qui vous évitera sans doute quelques écueils.
Mes plans varient entre trois et quinze pages, en moyenne. Il s’agit de la liste intégrale de tous les chapitres, et du résumé de ce qu’il se passe dans chacun d’entre eux. C’est, pour moi, une étape capitale, et peut-être même la plus importante, car c’est celle où je peux travailler en profondeur l’ossature de mon livre, la modifier, l’améliorer, la rendre plus efficace, plus surprenante, et il est bien plus facile de modifier la charpente d’une maison avant qu’elle soit construite, plutôt que de devoir refaire toute la maison si on décide de la transformer trop tard…
Petite astuce : quand j’utilise plusieurs points de vue narratif dans mon livre (c’est-à-dire que l’histoire ne suit pas le point de vue d’un seul personnage, mais de plusieurs), j’assigne à chacun de ces points de vue narratifs une couleur, ce qui me permet de juger de l’équilibre de mon plan, en le regardant de loin…
Le rythme est, pour moi, un élément majeur dans l’écriture. Et à tous les niveaux. Le rythme de la phrase, le rythme de l’intrigue, le rythme du chapitre, et le rythme du roman dans sa globalité. Bref, il faut soigner cet aspect purement technique de l’écriture. Comme un conteur qui doit capter l’attention de ses auditeurs, l’écrivain doit retenir celle de ses lecteurs. Parfois, on a le don inné du rythme, cela vient tout seul. Ce n’est pas mon cas. La solution réside alors dans l’élaboration précise de ce plan détaillé. Personnellement, je passe plus de temps à préparer mes romans qu’à les écrire. Je réfléchis pendant de longs mois à leur structure, à la façon de présenter l’intrigue, de la construire.

Je vous livre ici, pour l’exemple, le début du plan que j’ai utilisé pour mon roman J’irai tuer pour vous, afin de vous donner une idée du niveau de détail dans lequel j’entre à cette étape. Vous remarquerez aussi les couleurs assignées aux différents points de vue.

LIVRE PREMIER : « EL FURIBUNDO »

1. 7 juin 1985, Argentine : Dernière mission de Marc comme mercenaire. La mission finit mal (il sauve une petite fille et sa mère alors qu’il n’était pas là pour ça – la mère se fait tuer par leurs poursuivants). Il s’enfuit…

2. 7 décembre 1985, Paris : Attentats du Printemps et des Galeries Lafayette. Partie 1 (on suit le point de vue d’un personnage médecin).

3. Carnet Masson n°1 : 12 ans, Bolivie, scène de la mort du cheval de son grand-père, premier contact de Marc avec l’acte de tuer. La scène commence par « Je m’appelle Marc Dasson et je suis un assassin….»

4. 7 décembre 1985, Paris : Attentats de Paris, partie 2

5. 8 décembre1985, Montevideo : Des mois après sa mission ratée en Argentine, Marc s’est enfui et a trouvé du travail à Montevideo, usine de trafic de viande. Il entend parler des attentats en France. Le portail de son entrepôt est de nouveau cadenassé (son patron ne paye plus le loyer). Marc roué de coup par les ouvriers du propriétaire. Il perd connaissance…

6. 8 décembre 1985, Paris : Olivier Dartan, de la DGSE, assiste à une réunion de crise place Beauvau. Les différents services n’ont aucune piste. Dartan, plus malin que les autres, évoque toutefois les otages au Liban et donc Eurodif…

7. Carnet Masson 2 : 13 ans, accident du père à Lorient : Marc et sa sœur l’apprennent en rentrant de l’école.

8. 8 décembre 1985, Paris : Rencontre entre « Ali » et « Abdel » dans le sous-sol d’un restaurant du 18e, pour structurer la logistique des prochains attentats. Abdel demande à Hassan de recruter de nouveaux membres à Paris…

9. 8 décembre 1985, Montevideo : Marc se réveille dans le caniveau deux cents mètres plus loin…  Il n’a plus rien, plus de papiers, plus d’argent… Sauvé par un prêtre qui l’héberge dans son église.

ETC…

Réussir son premier roman – IX : Premier jet, deuxième jet…

SE LANCER DANS LE PREMIER JET !

Une fois votre plan terminé, c’est le jour J : lancez-vous ! Et ne vous retenez surtout pas ! Lors du premier jet, l’essentiel est d’avancer, quitte, parfois, à laisser un peu de côté certains passages sur lesquels vous reviendrez plus tard, afin de ne pas perdre votre souffle. À titre personnel, j’ai une façon un peu particulière d’écrire, mais je sais que plusieurs de mes confrères ont une technique assez similaire : l’après-midi, j’écris, vite, sans trop me relire, j’avance, je fonce. Le lendemain matin, je retravaille ce que j’ai écrit la veille, et j’obtiens donc déjà un premier « deuxième jet ». Cette technique a deux avantages : d’abord, vous avez le sentiment d’avancer, et vous ne vous freinez pas dans la phase d’écriture. Ensuite, le lendemain, vous revenez sur votre texte en ayant pris du recul. Ne dit-on pas que le nuit porte conseil ?
Si vraiment vous croyez à votre projet, alors je ne saurais trop vous conseiller, une fois que vous êtes lancé, d’écrire tous les jours. Absolument tous les jours ! Croyez-moi : on perd très rapidement le fil, quand on laisse passer trop de temps entre deux sessions d’écriture. Pour garder une vision cohérente, une vision d’ensemble de son projet, il faut vivre dedans au quotidien. Plus vous laisserez passer de temps entre vos séances de travail, plus vous aurez de peine à retrouver le fil de votre livre, le ton de votre écriture, même, et il est des milliers d’auteurs merveilleux dont nous n’avons malheureusement jamais entendu parler parce que leurs tiroirs sont emplis de romans inachevés !
Si vous avez besoin de vous motiver, obligez-vous à certaines règles. Un chapitre par jour, par exemple. Ou un certain nombre de mots. Et efforcez-vous de les respecter. Allez, je vous donne encore une petite astuce, un petit secret : le soir, quand je décide de m’arrêter d’écrire, j’aime bien commencer une phrase, et ne pas la finir. C’est un petit jeu idiot, mais efficace : le lendemain, je n’ai qu’une seule envie, courir sur mon ordinateur pour terminer cette fichue phrase !

LA FORME

L’écriture de votre roman, à présent, va nécessiter une chose dont vous pouviez vous passer dans les étapes précédentes : le style. Oui ! Le style, nous l’avons vu plus tôt, est au moins aussi important que l’histoire ! Un bon roman, c’est un roman où l’équilibre est réussi entre le fond et la forme. Les jeunes auteurs, il faut bien l’avouer, ont souvent tendance à négliger le style. Ayant été lecteur professionnel aux éditions J’ai Lu il y a une vingtaine d’années, j’ai vu arriver des manuscrits au style absolument épouvantable, et je ne vous cache pas que ces manuscrits… ne sont pas lus ! Quand, dès la première page, le texte est empli de fautes d’orthographe, de syntaxe, de grammaire, ou que le style est trop maladroit, il tombe vite des mains ! Je vais être un peu dur : si vous ne savez pas écrire, apprenez à le faire avant d’envoyer votre manuscrit !
Écrire, cela s’apprend. La meilleure école, bien sûr, c’est la lecture attentive. Analysez le style des livres que vous lisez, des livres que vous aimez. Etudiez la construction des phrases, la richesse du vocabulaire… Si vous sentez que le style est chez vous un point faible, alors n’hésitez pas, même, à vous lancer dans la lecture d’ouvrages sur la stylistique. Il en existe beaucoup ! Apprenez à chasser les répétitions, à enrichir votre champ lexical, à rythmer vos phrases (n’hésitez pas à vous lire à haute voix, par exemple, pour « sentir » votre phrase), à améliorer votre syntaxe. Apprenez à adapter votre style au sentiment que vous voulez transmettre…
Le principal défaut que l’on retrouve chez les « débutants » (j’ai horreur de ce mot…), c’est un manque de maîtrise du temps. Réfléchissez bien au temps que vous utilisez dans la narration. Pourquoi raconter au présent ? Pourquoi raconter au passé ? Quelle est la différence entre un imparfait et un passé composé ? Il vous faut une bonne raison, mais une fois que vous avez choisi le temps de votre narration, restez fidèle à votre choix ! Et surtout : attention à la concordance !
Un dernier mot, enfin, sur les descriptions. C’est souvent ce qu’il y a de plus ennuyeux à faire, les descriptions (enfin, pas pour moi… j’adore ça, mais je suis un peu pervers…). Et pourtant, décrire l’univers dans lequel évolue vos personnages est essentiel. Il ne faut pas hésiter à situer chaque scène dans l’espace. Donner des couleurs, des sons, des lumières, des odeurs, donner de la vie à votre scène ! De même, n’hésitez pas à couper vos dialogues de quelques petites descriptions (rien de pire que de longues pages de dialogues continus…), mettez vos personnages en mouvement, faites-leur faire quelque chose, même quand ils parlent. Allumer une cigarette, boire un verre… Bref, faites-en de véritables êtres humains, et permettez à vos lecteurs d’entrer dans votre roman en lui donnant de la consistance.

LE DEUXIÈME JET, ET LES SUIVANTS…

Une fois votre premier jet terminé, si vous pensez que le travail est fini, vous avez peu de chance de trouver un éditeur ! Rares sont les génies qui, dès leur premier jet, ont livré le meilleur roman qu’ils pouvaient écrire, et j’ai trop souvent vu de jeunes auteurs négliger le temps de la réécriture et se priver ainsi de la chance d’élever leur roman au niveau qui aurait pu leur permettre d’attirer l’attention d’un éditeur.
Le deuxième, et parfois le troisième, quatrième ou cinquième jet, c’est la couche de vernis nécessaire qui va terminer votre œuvre. Vous ne pouvez absolument pas vous en priver, et la satisfaction d’avoir « terminé » ne doit surtout pas vous faire baisser votre garde. Laissez passer quelques semaines, et remettez-vous au travail !
Retravailler un roman, cela ne se fait pas en quelques jours. C’est souvent un travail long, parfois aussi long, parfois même plus long que le premier jet ! Il est important, une fois le premier jet terminé, de prendre le temps de la réflexion, de chercher des avis extérieurs en faisant lire ce premier jet à des proches, puis de le relire vous-même avec le recul que vous aurez pris. S’il y a des passages que vous sautez vous-même en relisant votre livre, par exemple, c’est très mauvais signe : il y a de fortes chances que ces passages soient ennuyeux pour vos lecteurs ! Il faut alors vous y plonger de nouveau, chercher un moyen de rendre ces passages agréables à lire, en les coupant, en les réarrangeant, en changeant le style…
Sans vouloir paraître excessif, je pense que vous ne devriez pas estimer que votre livre est terminé tant que vous n’êtes pas fier de chaque phrase qui s’y trouve ! Posez-vous toujours la question : est-ce que je ne peux pas faire mieux ? Parfois, retravailler un roman peut prendre des mois ou des années, mais si ce travail vous permet de vous faire publier, il serait bien dommage de ne pas le faire, non ?

Réussir son premier roman – X : Se faire éditer

CONNAÎTRE L’ÉDITION

Y a-t-il un secret pour se faire éditer ? Non. Mais il y a des obligations pour espérer y parvenir, et la première d’entre elles est la suivante : écrivez un bon livre ! Pour être publié, c’est la meilleure méthode… Mais cela ne suffit pas. Il faut aussi choisir les bons éditeurs, et leur envoyer votre roman dans les formes.
Pour faciliter votre recherche d’un éditeur, la première chose à faire sera de vous familiariser avec le monde de l’édition : comment trouver un éditeur si vous ne savez pas qui ils sont ? Les éditeurs ont des lignes éditoriales qui leur sont propres, ils ont parfois plusieurs collections, plusieurs marques… Il existe plusieurs magazines littéraires en France, n’hésitez pas à vous abonner à l’un d’eux : si vraiment vous voulez devenir écrivain, cela ne vous fera pas de mal de vous tenir au courant de l’actualité littéraire et éditoriale ! De même, profitez des salons du livre, il y en a presque tous les week-ends, et ce sont souvent de bonnes occasions de rencontrer des éditeurs.
Avec l’arrivée du numérique, l’édition est un monde en perpétuelle mutation. Il existe aujourd’hui de nombreux auteurs qui publient leur premier roman uniquement en numérique, et parfois avec un succès tout à fait honorable. C’est une option à laquelle vous pouvez songer, en vous méfiant des arnaques… Renseignez-vous bien ! Et n’oubliez pas ce que je vous disais en introduction : plus de 98% des écrivains ne vivent pas de leur plume !

LE CHOIX DE L’ÉDITEUR

Une fois que vous vous serez familiarisé avec le monde de l’édition, vous pourrez sélectionner les éditeurs auxquels il sera le plus judicieux d’envoyer votre manuscrit. Si vous avez écrit un roman de Science-Fiction, vous saurez qui en publie, et qui n’en publie pas. Un polar ? Idem ! Inutile de vous dire que votre livre ne sera pas lu si vous vous trompez de cible. Or le papier coûte cher, évitez les gaspillages ! Et si vraiment vous avez peur de vous tromper, n’oubliez pas non plus que vous avez sûrement, près de chez vous, un libraire, et que les libraires sont vos amis ! Mieux que quiconque, les libraires connaissent les politiques éditoriales des diverses maisons d’édition , et si vous venez humblement et gentiment parler de votre projet à votre libraire, il saura sans doute vous conseiller ! Pour le remercier, achetez-lui un livre. Bon, d’accord, l’un des miens, si vous insistez…
J’aurais tendance à vous conseiller d’envoyer votre manuscrit, dans un premier temps, aux quatre ou cinq éditeurs qui correspondent le mieux à votre livre. L’envoyer à trop d’éditeurs serait une perte de temps, pour vous, comme pour eux. Idéalement, essayez de connaître le nom des directeurs de collection, afin d’adresser votre manuscrit à une personne en particulier. Cela prouve déjà que vous vous intéressez à ce qu’elle fait ! Soyez patient, les réponses sont parfois très longues à venir…

PRÉSENTER SON MANUSCRIT

Si, lors de l’envoi d’un premier roman, une petite lettre de présentation s’impose (avec une très courte bio et un court résumé de votre livre, et surtout, absolument aucune faute d’orthographe !), n’oubliez pas que la seule chose dont l’éditeur va vraiment juger, c’est votre manuscrit. Il est donc important de le présenter convenablement, pour vous assurer toutes les chances qu’il soit lu avec plaisir !
Voici quelques conseils sur la forme que devrait avoir votre manuscrit :
– Cela peut paraître évident, mais je précise tout de même : on imprime sur du papier blanc, en A4…
– Une couverture sobre (cela ne sert à rien de faire votre propre couverture, avec une magnifique illustration, etc… Cela peut même vous desservir. En général, les éditeurs le savent, quand un auteur envoie son texte avec une magnifique couverture illustrée, c’est qu’il n’est pas suffisamment sûr de la puissance de son récit…). La page de couverture de votre livre ne comportera que deux choses : vos coordonnées et le titre de votre livre ! Point final.
– Le corps du texte : écrit en Times New Roman (n’essayez pas d’être original, cela aussi vous desservira…), entre 12 et 15 points, en double interligne, avec des paragraphes justifiés, et avec de belles marges à gauche et à droite, pour laisser de la place à la correction. En moyenne, mis en forme, votre manuscrit devrait contenir à peu près 2 000 signes par page, espaces compris (pour vous en assurer, utilisez la fonction « statistiques » de votre traitement de texte…)
– Numérotez les pages.
– Suivez la présentation usuelle des romans publiés chez les grands éditeurs (alinéas en début de paragraphe, pas de saut de ligne entre les paragraphes, tirets cadratins pour les dialogues, espaces insécables avant les ponctuations doubles, etc…). Familiarisez-vous avec les règles de typographie, pour montrer que vous savez ce que c’est qu’un roman publié.
– Imprimez recto seulement. Pas de recto-verso !

CONCLUSION

Voilà. Maintenant que vous avez envoyé votre manuscrit en mettant toutes les chances de votre côté, ce sera au destin (enfin, aux éditeurs…), de choisir ! Mais plus vous aurez porté d’attention à votre roman, à son écriture, et à sa présentation, plus vous aurez de chance de recevoir une réponse positive. Et si ce n’est pas le cas, ne perdez pas espoir ! Souvenez-vous de ce que je vous ai dit en introduction : certains grands auteurs, comme Stephen King, ont essuyé de nombreux refus avant de parvenir à éveiller l’intérêt d’un éditeur. En outre, à chaque nouvelle tentative, vous allez vous améliorer. Et vous le ferez toute votre vie. Chaque livre qu’on écrit est une nouvelle leçon d’écriture.
J’espère, toutefois, vous voir donné quelques pistes utiles. Ce ne sont que quelques petites idées en vrac, qui ne demandent qu’à être complétées (je le ferai sans doute un jour dans un ouvrage plus détaillé), et qui ne sont pas l’unique et seule vérité. Chacun a la sienne. Mais j’espère que cela pourra vous aider un peu… Et n’oubliez pas, ce qui compte, surtout, c’est la PERSÉVÉRANCE.

À vous de jouer !

Entretien avec Myra Thielemans

On dit que vous connaissez bien les loups, pourriez-vous m’en dire plus ?
J’ai toujours eu un faible pour cet animal, non seulement parce que je le trouve d’une beauté sauvage envoûtante, mais aussi pour les valeurs qu’il évoque : l’amour de sa tribu, le besoin de liberté, le nomadisme, le refus de se laisser dompter… C’est un animal qu’on apprivoise avec respect, mais qu’on ne dresse pas. J’ai passé beaucoup de temps à étudier les loups, j’ai eu la chance de vivre un peu au milieu d’eux, en différents endroits, à l’époque où j’ai écrit le cycle de La Moïra qui leur est dédié. Aujourd’hui, le loup pose la question de la place que l’homme est prêt à laisser à la nature sauvage dans le monde moderne, et plus largement celle du vivre ensemble. C’est un animal qui peut causer bien des soucis aux bergers mais, si je suis favorable à ce qu’on aide ces derniers, je n’arrive pas à me résoudre à l’idée que l’abattage soit une solution moralement et philosophiquement acceptable… Il doit bien y avoir un moyen d’aider les bergers sans tuer le loup, et il est bien sombre l’avenir d’une humanité qui n’accepterait plus de cohabiter avec la nature, aussi sauvage soit-elle…

Quel est votre rapport à la lecture ?
Pour un auteur, je me suis mis (relativement) tard à la lecture, c’est-à-dire vers quinze ou seize ans. Avant cela, je n’avais pas rencontré les ouvrages qui auraient su me donner la passion de la lecture. Mais quand l’étincelle est arrivée, je m’y suis mis de manière passionnée, et je suis devenu un lecteur compulsif. Pendant de nombreuses années, j’ai lu deux à trois romans par semaine, essentiellement de la littérature de genre, du fantastique, de la SF, du polar, avant de découvrir que je pouvais éprouver le même plaisir avec la littérature générale et me plonger, sur le tard, dans Romain Gary, Borges, Faulkner, Morrison, Easton Ellis… Aujourd’hui, malheureusement, mon métier m’oblige à consacrer l’essentiel de mon temps de lecture à la documentation que mes romans exigent, et donc plutôt aux essais, aux ouvrages historiques ou scientifiques, et je ne lis plus autant de romans qu’il y a une dizaine d’années. Mais je ne passe jamais une semaine sans lire et, quand je prends de (trop rares) vacances, les romans s’empilent dans mes valises.

Comment vous est venue l’envie d’écrire ?
Je n’en ai aucune idée. Elle a toujours été là, d’aussi loin que je me souvienne, et même, bizarrement, avant le goût de la lecture ! Peut-être est-ce génétique, ayant eu pour grand-oncle Pierre Lœvenbruck, qui fut un grand romancier populaire de la première moitié du vingtième siècle, aux éditions Tallandier. Et puis mes parents sont aussi de grands amateurs de littérature. Toujours est-il qu’avant mes dix ans, avant même d’être un véritable lecteur donc, j’écrivais déjà des petits romans, des scénarios de BD, que ma maman, je crois, conserve encore précieusement quelque part. Et il n’y a aucun métier sur terre que j’aimerais mieux embrasser que le mien. Chaque jour, je mesure la chance immense qui est la mienne.

Comment définiriez-vous votre style d’écriture ?
Je ne crois pas en avoir, ou du moins, je crois en changer trop souvent pour vous répondre. Il y a certes de nombreux dénominateurs communs entre mes romans, mais leur forme varie énormément selon le sujet traité. C’est peut-être d’ailleurs ça, mon style d’écriture : la diversité… Je peux écrire des polars historiques en m’amusant avec la langue de Dumas, des thrillers plus modernes, à l’américaine, des romans psychologiques introspectifs comme J’Irai tuer pour vous ou me lancer tête baissée dans un Nous rêvions juste de liberté intimiste, avec une écriture plus personnelle, quoiqu’empruntant éhontément à mon maître Romain Gary (alias Émile Ajar), sans bien sûr arriver à l’ourlet de ses pantalons… Une chose est sûre, mes romans s’écrivent en deux temps. Il y a celui de la conception, où je construis entièrement l’histoire du début à la fin, de manière très détaillée, avec des synopsis d’au moins trente pages et une bible, plus longue encore, qui renferme toutes les informations sur les personnages réels ou fictifs, les lieux que je vais devoir décrire, les connaissances que je vais devoir maîtriser, etc… Ensuite vient le temps de la rédaction, où tout mon esprit, libéré des questions de fond, peut se consacrer exclusivement à la forme, à la phrase, au rythme, à la musique des mots… Allez, je vous confie un petit secret un peu ridicule : j’écris à voix haute ! C’est-à-dire que je prononce mes phrases en même temps que je les écris et, tant que je ne suis pas satisfait de l’harmonie, du mouvement de la phrase, je recommence. Ce qui explique que j’ai beaucoup de mal à écrire en public, dans un avion, un train ou un café, de peur de me faire embarquer par les infirmiers d’un asile psychiatrique…

Dans vos romans, l’Histoire à beaucoup d’importance, pourquoi ? Quel est votre lien avec cette Histoire ?
C’est une question que je me pose moi-même ! Je n’étais pas particulièrement friand d’Histoire à l’école, et j’ai fait des études littéraires. En réalité, ce sont mes propres romans qui, un jour, m’ont poussé à m’intéresser à l’Histoire, sans doute pour l’éclairage que le passé apporte sur le présent. Et puis, écrire des romans historiques a quelque chose de délicieusement dépaysant. Visiter la France du XIVème ou du XVIIIème siècle, c’est presque visiter un autre pays ! Ce qui est très agréable pour moi, c’est que chaque nouveau roman que j’écris me permet d’apprendre de nouvelles choses, notamment sur l’histoire de mon propre pays, mais aussi de faire des rencontres passionnantes avec des historiens, des archivistes, des spécialistes, de visiter des lieux chargés d’histoire avec des guides qui acceptent gentiment de m’ouvrir certaines portes fermées au public… N’étant pas historien et n’ayant pas la prétention de me faire passer pour tel, je prends toujours la peine de demander conseil à ceux dont c’est le métier, je leur demande de me donner leur avis sur mon texte, afin de m’assurer que je ne dis pas trop de bêtises à mes lecteurs. Car l’Histoire, voyez-vous, c’est un peu comme la virologie : le mieux, quand on n’y connaît rien, c’est quand même d’écouter l’avis des professionnels, plutôt que celui des petits excités en mal de gloire, qui viennent nous donner des leçons d’histoire ou d’épidémiologie sur les réseaux sociaux ou les plateaux de télé en se faisant passer pour des spécialistes. Vous voyez ce que je veux dire ?

Qu’y a-t-il de vous dans ces romans ? Y mettez-vous un peu de votre caractère dans la construction des personnages, ou alors sont-ils issus uniquement de vos rêves ? Comment construisez-vous un personnage ?
Il y a toujours, qu’on le veuille ou non, beaucoup de soi dans un roman. Notre écriture est évidemment la somme de notre vécu, de notre culture, de notre philosophie, de notre histoire, de notre éducation. Mais, de manière plus consciente, oui, il m’arrive de mettre un peu de moi dans certains personnages, comme dans Ari Mackenzie (Le Rasoir d’Ockham), par exemple, et bien plus encore dans le personnage de Bohem (Nous rêvions juste de liberté), dont l’histoire n’est pas très éloignée d’une autobiographie, à peine déguisée. Mais j’essaie aussi de mettre un peu de moi dans les personnages les plus sombres, dans les « vilains », comme disent les anglais, parce que je suis persuadé qu’un personnage négatif est plus fort quand il a une part d’humanité, des zones grises, or, je ne connais aucune face sombre aussi bien que la mienne… Pour ce qui est des rêves, je ne crois pas avoir été jamais influencé par un rêve. Il me semble, d’ailleurs, que c’est plutôt le contraire : nos rêves sont influencés par notre imagination. Enfin, pour construire mes personnages, j’écris leur histoire dans la bible du roman que je prépare. J’imagine leur enfance, leurs blessures, leurs joies passées, leurs peines, je dessine leur caractère, parfois en m’inspirant de certaines de mes connaissances, et ce matériau, en général, suffit à leur donner vie au moment où je passe à la rédaction du roman. En vérité, j’en sais toujours bien plus sur mes personnages que ce que je raconte dans mes livres, et je crois que c’est essentiel pour leur donner un peu de corps…

Quel est le livre qui vous a été le plus difficile à écrire ?
Il n’y en a qu’un, et c’était J’Irai tuer pour vous, pour tout un tas de raisons. D’abord parce qu’il abordait le sujet pénible du terrorisme, à un moment où celui-ci frappait notre pays, et que je faisais partie, comme des milliers de nos concitoyens malheureusement, des personnes qu’il avait touchées de près, emportant par deux fois plusieurs de mes amis proches. Ensuite parce que j’y ai écrit l’histoire d’un ami très cher, un frère de cœur, qui a eu la fort mauvaise idée de perdre la vie alors que j’en étais tout juste à la moitié du livre. J’ai bien cru ne jamais pouvoir en terminer la rédaction, écrasé par le deuil et la douleur chaque fois que je m’y essayais, et sans doute n’y serais-je pas parvenu si je n’avais éprouvé le besoin de remplir un devoir de mémoire, non seulement pour ses enfants, que je considère aujourd’hui comme mes filleuls, mais aussi pour notre pays tout entier, qui rend bien peu souvent hommage aux soldats de l’ombre. Bref. Une épreuve désagréable, nécessaire, sans doute, mais que j’espère ne plus jamais revivre. Mes autres romans ont été écrits dans la joie, même si, bien sûr, l’acte d’écrire, quand c’est devenu un métier quotidien, génère parfois des moments de lassitude, de fatigue, où, en se levant, on traîne des pieds pour aller s’installer derrière son clavier… Globalement, je prends beaucoup de plaisir à faire ce métier, et il m’arrive même d’éclater de rire tout seul devant mon écran. Il m’arrive aussi d’éprouver de belles émotions mélancoliques, d’avoir les yeux un peu humides, ce qui est finalement assez rassurant : je me dis dans ces moments-là que les lecteurs seront peut-être un peu touchés eux aussi…

Et le plus facile ?
En terme de quantité de travail nécessaire, tous mes romans ayant demandé une grosse documentation, aucun n’a été vraiment « facile » à écrire, à part peut-être Nous rêvions juste de liberté, qui est sorti de mes tripes comme une évidence, et pour lequel je n’ai pas eu besoin de faire des recherches, puisque j’y ai raconté une version très romancée de ma propre vie, que je connais somme toute assez bien, en tant que témoin direct, en dehors bien sûr de quelques rares épisodes trop arrosés, auxquels seul mon subconscient a pu assister. Bref, aucun n’a été « facile » à écrire, mais tous, excepté J’irai tuer pour vous, ont été agréables. La série des enquêtes de Gabriel Joly est d’ailleurs celle que j’ai écrite avec le plus de plaisir, de manière presque ludique, car j’ai pu y exprimer tout mon amour pour la littérature populaire, avec tendresse et amusement. C’est peut-être aussi parce que, après 23 ans de métier, je commence à mieux maîtriser mon artisanat, et donc à avoir ce petit supplément de sérénité qui permet de s’amuser en travaillant… Si ça continue, il n’est pas impossible qu’un jour je meure de rire au beau milieu d’un roman, ce qui serait, ma foi, le meilleur moyen de partir.

Comment choisissez-vous le titre de vos livres ?
Je ne sais pas ! Le titre s’impose toujours à moi pendant la phase de préparation. Assez vite, pendant les premières semaines, et de manière évidente. Tout à coup, il apparaît, comme un souvenir enfoui qui vous revient soudain en mémoire et, quand il est là, j’ai l’impression de le reconnaître ; je sais que c’est ce titre-là et aucun autre. Ce qui est un peu singulier, c’est que je serais totalement incapable de me lancer dans l’écriture d’un livre sans en avoir le titre. Je ne sais pas pourquoi, d’ailleurs. Sans doute parce que j’ai besoin qu’il existe dans ma tête, et que ce qui n’a pas de nom n’existe pas… Il m’est arrivé une seule fois de commencer un roman sans être sûr du titre, et ça me rendait dingue ! C’était Nous rêvions juste de liberté, que j’hésitais à appeler Bohemian Rhapsody. Quand j’ai appris qu’un film sur Queen se préparait sous ce titre, j’ai donc choisi l’autre, mais je ne le regrette pas.

Quel serait pour vous le livre idéal ?
Il existe, et il s’appelle La Vie devant soi, d’Émile Ajar. C’est le livre parfait, sur la forme comme sur le fond, c’est un monument, une œuvre d’art inaltérable, et incontestablement les pages les plus émouvantes que j’aie lues de ma vie. Point final.

Que diriez-vous à quelqu’un qui ne lit pas ?
Que ce n’est pas une obligation ! Je crois qu’il n’y a rien de pire que de vouloir forcer quelqu’un à lire ! Il y a des gens qui ne sont pas faits pour la lecture, et qui le vivent très bien. Certes, la lecture apporte énormément, mais il y a bien d’autres moyens de s’épanouir dans la vie. Disons que, parmi tous les moyens qui existent de s’éveiller, de s’émouvoir, de s’instruire, de s’évader et de grandir, la lecture fait partie de ceux qu’il est dommage de ne pas connaître, mais l’essentiel est de trouver le sien. Moi, certes, je ne pourrais pas m’en passer, mais c’est un plaisir solitaire, et je n’aime pas embêter les gens avec mes plaisirs solitaires !

Quel est votre rapport aux bibliothèques ?
Ah ! Fichtre ! C’est un rapport amoureux ! Parfois je me demande même si je n’aime pas encore plus le livre que la lecture ! Je vis au milieu des bouquins, il y en a sur les murs de mon bureau, de ma chambre, de mon salon, il y en a sur les tables, il y en a par terre, il y en a dans la salle de bain, dans les chambres de mes enfants et, comme beaucoup de bibliophiles, je les classe d’une manière très précise mais compréhensible par moi seul ! J’aime l’odeur des livres, j’aime les livres anciens, et je dois avouer que je suis un acheteur compulsif de certaines petites raretés, il m’est arrivé de considérablement mettre en péril l’héritage de mes pauvres enfants pour acheter des éditions originales inavouables, que ce soit pour des romans, des essais, ou même des vieux jeux de rôle qui n’ont eu que des tirages confidentiels… Pareillement, j’aime éperdument les bibliothèques publiques, leurs immenses rayonnages qui sont autant de promesses de voyages et de découvertes, avec un petit faible pour la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, où j’ai passé l’essentiel de mon temps de documentation pour écrire L’Apothicaire et Le Loup des Cordeliers. Enfin, quand j’entre pour la première fois chez quelqu’un, c’est plus fort que moi, la première chose que je fais, c’est regarder sa bibliothèque. Quels livres y figurent, comment ils sont classés… On apprend beaucoup de chose sur les gens en regardant leurs bibliothèques.

Il parait que vous collectionnez les montres cassées… est-ce vrai et pourquoi ?
Oui, c’est vrai. Au départ, je collectionnais juste les montres, pour lesquelles j’ai une fascination qui doit pouvoir s’expliquer psychologiquement et paradoxalement par ma hantise du temps qui défile… J’ai acheté beaucoup de montres dans ma vie, dont la plupart que je ne porte jamais, ce qui est parfaitement ridicule, j’en conviens, mais c’est un peu le principe de la collectionnite ! Et puis, en 2005, j’ai eu un accident de moto assez sérieux, au cours duquel ma montre s’est cassée et donc arrêtée à l’heure précise du choc. Quand j’ai repris connaissance, en la regardant, je me suis dit qu’elle indiquerait, pour toujours, l’heure à laquelle j’avais vraiment failli perdre la vie. Je n’ai du coup pas voulu m’en séparer, et je l’ai mise avec mes autres montres, dans ma vitrine, comme un petit rappel quotidien de la fragilité de l’existence, de la préciosité de la vie. Depuis ce jour-là, je collectionne donc aussi les montres cassées, à condition que la personne qui me donne la sienne me raconte dans quelle circonstance elle s’est cassée… Mais sinon, je suis un garçon tout à fait sain d’esprit. Quoi ?

Rentrée 2024

J’espère que vous avez passé un bel été (le mien fut studieux) et que votre rentrée se déroule aussi bien que possible !

J’ai beaucoup de choses à vous annoncer dans cette lettre d’information, j’espère que vous saurez pardonner sa longueur ! Vous êtes désormais près de 6 000 à me suivre sur Mastodon (on s’y amuse follement), et presque 2 000 inscrits à cette « newsletter » ; je tenais donc à vous remercier ici de votre fidélité après mon départ des réseaux sociaux propriétaires (départ qui me fait toujours un bien fou) !

1 – Avant tout, c’est non sans émotion et quelque impatience que je peux vous confirmer la date de sortie de Pour ne rien regretter (un roman qui fait écho à Nous rêvions juste de liberté, sans en être une suite directe, et que vous pourrez donc lire indépendamment) : il sera publié aux éditions XO le 24 octobre prochain, et tout ce que je puis vous dire c’est que c’est un roman très personnel, qui me tient particulièrement à cœur, au moins autant que Nous rêvions juste de liberté, c’est dire ! Les plus impatients pourront le découvrir en avant-première lors d’une dédicace à la librairie À Livr’Ouvert le 17 octobre (cf. plus bas).

À Providence, petite ville perdue dans le grand nulle part, une voix s’élève doucement au milieu du silence. Une voix différente. La voix de Vera.
Peu à peu, cette jeune fille écorchée va devenir un symbole de résistance face aux injustices du monde moderne. À la force du cœur et par amour de sa terre, elle va entraîner les siens dans l’ultime combat de David contre Goliath.
Parce que même sur les ruines d’une terre dévastée, il est des fleurs fragiles que rien ne peut empêcher d’éclore.

2 – Côté cinéma, je peux désormais officialiser deux nouvelles particulièrement réjouissantes. D’abord, j’ai participé au scénario d’un film de long-métrage, intitulé Ferris Wheel, aux côtés d’Olivier Torrès et Julien Hosmalin (réalisateur), dont le tournage vient de commencer (je m’y rends d’ailleurs sous peu…), pour les productions Same player. Et c’est justement avec la même équipe que j’ai travaillé sur l’adaptation de Nous rêvions juste de liberté, dont le tournage débutera enfin l’été prochain, une nouvelle magnifique après de longues années de labeur acharné ! Il va de soi que je vous tiendrai ici informés des dates de sortie de ces deux films !

3 – Côté bande-dessinée, si ce n’est déjà fait, je vous invite à découvrir la très belle adaptation du Loup des Cordeliers par Philippe Thirault et Damien Jacob aux éditions Philéas. Ils ont fait un travail remarquable pour donner à Gabriel Joly une vie nouvelle !

4 – Côté musique, je viens de participer à un album hommage à Alain Bashung, sur lequel j’ai repris la chanson Station service aux côtés de son épouse, la chanteuse et comédienne Chloé Mons, le tout sous la houlette du formidable Arca (ancien chanteur et fondateur des Matador’s). C’est un magnifique projet auquel ont participé des artistes comme Francis Cabrel et Pascal Obispo, mais aussi mon bon ami le dessinateur Franck Margerin ! À suivre !

5 – Enfin, voici quelques dates pendant lesquelles vous pourrez venir me rencontrer dans les prochaines semaines :

· Samedi 21 septembre : Festival du Jeu de rôle de Senlis

Je serai présent toute la journée du samedi pour des tables rondes et séances de dédicaces, aux côtés de mes compères Maxime Chattam et Niko Tackian (infos : https://www.festival-jdr-senlis.fr)

· Samedi 12 et dimanche 13 octobre : Festival du polar de Saint-Laurent du Var

J’ai la joie et l’honneur d’être le parrain de cette nouvelle édition du festival, où vous pourrez me retrouver tout le week-end à quelques pas de la mer !

· Jeudi 17 octobre : Dédicace à la librairie À Livr’Ouvert (Paris)

Attention ! Avant-première ! À l’occasion de la sortie imminente de Pour ne rien regretter, vous pourrez venir découvrir et vous faire dédicacer mon nouveau roman une semaine avant sa sortie nationale dans cette chouette petite librairie indépendante du XIe arrondissement de Paris, à quelques pas de la rue où je suis né ! Dédicace dès 17h30, suivie d’un apéro pour les plus tenaces ! (infos : https://www.alivrouvert.fr)

· Samedi 19 et dimanche 20 octobre : Festival sans nom (Mulhouse)

C’est avec un immense plaisir que je reviendrai cette année au festival que j’ai eu le plaisir de parrainner il y a deux ans (infos : https://www.festival-sans-nom.fr)

Voilà, c’est tout pour le moment, et c’est déjà pas mal !

À très bientôt pour de nouvelles aventures !